Statuette en bronze
Fonte au sable, Susse fondeur
Signé et daté sur la tranche de la base : carle elshoëct sculp. 1837
Inscription sur la base : Kaire / peste de 1835
H. : 48,5 cm
*Vendu*
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Originaire de Dunkerke ou il fait ses premières armes auprès de son père, sculpteur sur bois, Carle Elshoect parfait sa formation classique dans l‘atelier du baron Bosio qui remarque ses capacités. Les récompenses qu’il remporte à ses débuts au Salon de 1824 témoignent de son aisance à manier le ciseau et à caresser le marbre, si l’on en juge par la médaille de troisième classe qu’il obtient pour la Psychée abandonnée puis celle de deuxième classe trois ans plus tard avec une statue de la Vierge ou l’Immaculée Conception. En dépit de la réputation d’artiste velléitaire et paresseux véhiculée par Balzac, qui aurait pris le sculpteur comme modèle pour le personnage de Steinbock dans La Cousine Bette, l’œuvre Elshoect reste significative avec quelques sculptures importantes : deux anges du maître-autel et les séraphins de la chaire de Notre-Dame de Lorette, un triton et une néréide pour la place de la Concorde, un bas-relief, la Marine Marchande, pour un fronton du Louvre ; enfin la statue en marbre, la reine Mathilde pour le jardin du Luxembourg. L’artiste réalise de nombreux bustes rétrospectifs (Saint Bernard, Poussin, Mirabeau, Molière, pour la décoration intérieure de la bibliothèque Sainte-Geneviève) ou contemporains, sans oublier les bustes de Faust et Marguerite, deux belles réussites correspondant aux recherches du moment, qui sont remarquées au Salon de 1831.
Romantique de tempérament, Elshoect fait partie de ces artistes dont les œuvres sont régulièrement boudées par le jury du Salon. Ainsi en est-il de cette Statuette du docteur Lachèze dont l’exposition lui est refusée au Salon de 1838. Loin des grands sujets classiques, ce type de statuette figurant les célébrités du moment se diffuse sous la Restauration pour satisfaire le goût du public, hissant la statuette de petit format au rang d’œuvre artistique digne de figurer dans une exposition des Beaux-arts, à l’encontre d’un jury réticent et boudeur qui n’y voit que bibelots de salon. Parfaitement à l’aise dans ce type de figure, l’artiste exécute de nombreux sujets parmi lesquels Thérèse Elssler dans le rôle de la reine Mab (1839, Paris, musée du Louvre, Mademoiselle Lavoye cantatrice, le Prince de Joinville ou encore le Duc D’orléans dont la version en marbre est acquise par le roi en 1844. En dépit de son éviction du Salon, la statuette du Docteur Lachèze n’en est pas moins remarquée comme en témoigne le commentaire du Journal des Beaux-arts de 1838 : « M. Elschoect a fait paraître quelques jolies statuettes où l’on reconnaît le talent tout à la fois grâcieux et savant de ce statuaire. On voit chez Susse celle de Mlle Assendrie, dans le costume de Norma, et celle du docteur Lachèze, en costume arabe ».
L’artiste illustre ici un moment particulièrement marquant de la carrière de son modèle, qu’un cartouche orné d’une inscription à ses pieds se plaît à rapporter pour en souligner l’importance. Le sérieux de l’expression préoccupée du docteur avec les sourcils froncés et le regard absorbé qui semble ignorer le spectateur n’est atténuée que par la posture volontairement nonchalante qu’accentue la main dans la poche, et surtout le pittoresque costume « arabe » dont il est affublé avec une culotte bouffante, une large ceinture, un gilet à brandebourgs et le kefta qui couvre sa tête. Docteur en médecine de la faculté de Paris, ce dernier arrive en Egypte peut de temps avant que l’épidémie de peste ne se développe et ne fasse d’affreux ravages, en 1834 et 1835. Déclarée dans les ports de Damiette et d’Alexandrie, elle se propage au Caire et dans les provinces avoisinantes faisant plus de quatre cent mille victimes, et enlevant le quart de la population du Caire. Médecin-chef à l’hôpital de l’Esbekié, Lachèze fait alors partie de la commission médicale établie pour l’observation et l’éradication de la maladie, avec le célèbre docteur Clot-Bey, le chirurgien Gaetani-Bey originaire de Pise, médecin particulier de S.A. le vice-roi d’Egypte et du pharmacien Bulard. Alors que l’ensemble du corps médical local se couvre de précautions moyenâgeuses, se couvrant de toiles cirées, s’armant de bâtons, d’autres ne tâtant le pouls des malades qu’au travers d’une feuille de tabac ou après avoir trempé leur main dans l’huile ou le vinaigre, Lachèze et la commission qui l’accompagne entreprennent une démarche aussi scientifique et moderne que possible en se réunissant pendant sept mois à partir de mars 1835, suivant les pestiférés, appréciant la nature et la valeur des différents symptômes, l’essence pathologique du mal, le choix des médications à tenter, et poursuivre les investigations sur les cadavres. Peu de temps après la cessation de la maladie, Lachèze quitte l’Egypte et regagne Paris, regretté de toutes les personnes qui ont été à même de l’apprécier, comme se plait à signaler Clot-Bey dans son ouvrage médical sur l’Egypte en 1861.
EXPOSITION : Refusé par le jury du Salon de 1838.
BIBLIOGRAHIE : Archives du Louvre KK 55, séance du 22 février 1838, n°3140 --- Journal des Beaux-Arts, 1838, p.160 --- Stanislas Lami, Dictionnaire des sculpteurs de l’école française au dix-neuvième siècle, Paris, 1916, t. 2, p. 287 --- Isabelle Leroy-Jay Lemaistre, dans, Musée du Louvre, Nouvelles acquisitions du département des sculptures (1984-1987), Paris, RMN, 1988, p. 118-120.
AUTRE VERSION :
- Statuette en plâtre, signée et dédicacée : A mon compatriote Vandewalle. Dunkerke, musée des Beaux-arts (détruite en 1940, avec une partie des collections du musée des Beaux-arts)