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Emile-Antoine BOURDELLE
Montauban, 1861 – Le Vésinet, 1929
La Muse échevelée

Haut-relief en plâtre
Signé, daté et dédicacé au crayon, en bas à droite : à l'ami Granié au substitut poète/cette étude Emile Antoine Bourdelle 1913
H. : 100 cm ; L. : 100 cm ; P. : 30 cm

*Vendu*

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Après des débuts à l’école des Beaux-arts de Toulouse, Bourdelle gagne Paris où il suit les leçons de Falguière à l’Ecole des Beaux-arts. Peu enclin à suivre l’enseignement académique, il travaille chez Dalou et devient praticien pour Rodin chez qui il reste de nombreuses années tout en poursuivant sa propre carrière. La consécration de son talent arrive avec l’Héraclès archer qu’il présente au Salon de 1909. Tout en restant marqué par les leçons de Rodin et de Carpeaux, l’artiste présente un art personnel, marqué par la recherche permanente d’un équilibre qu’il puise dans la sculpture grecque archaïque et dans l’art roman, combiné avec un mouvement plein de véhémence lyrique. L’ensemble de ses oeuvres trouve une résonance monumentale par la simplification des masses et des lignes, et sa démarche destinée à ne garder que l’essentiel est comparable à celle de Cézanne pour la peinture. Peintre, dessinateur ardent et même architecte, Bourdelle réalise un grand nombre d’œuvres majeures, à commencer par le Monument aux morts pour la ville de Montauban (1893-1902), le Monument du général Alvear à Buenos-Aires (1912-1925) haut de vingt-deux mètres, la statue colossale de La France ou encore le Monument aux morts de Montceau-les-Mines (1919-1930). Sculpteur infatigable, Bourdelle sculpte de très nombreux portraits en buste particulièrement révélateurs du caractère de ses modèles tel que ceux de Rodin ou d’Auguste Perret. C’est d’ailleurs avec ce dernier, architecte de renom, que l’artiste entreprend l’une de ses plus célèbres composition : le décor du théâtre des Champs-Elysées qu’il réalise en un temps record, de 1910 à 1912, dans la période la plus féconde de son génie. Appelé par son ami Gabriel Thomas, Bourdelle modèle quatorze études de décembre 1910 au mois de juillet 1911, point de départ du projet définitif présenté par les frères Perret. L’architecture impose ses règles, magnifiquement mises en valeur par les reliefs de l’artiste. Avec une maîtrise incomparable qui témoigne avec éclat de ses dons de sculpteur architecte, l’artiste dispose sur la façade cinq haut-reliefs, La Tragédie, La Comédie, La Musique, La Danse, L’Architecture et La Sculpture que domine une grande frise centrale de quatorze mètres de long figurant La Méditation d’Apollon et Les Muses. C’est en voyant danser Isadora Duncan en 1909 que Bourdelle trouve l’inspiration de ce grand décor :

 « là, il m’a semblé que par elle s’animait une admirable frise ou de divines fresques qui doucement, devenaient réalité humaine » et d’ajouter : « Toutes mes muses au théâtre, sont des gestes saisis durant l’envol d’Isadora ; elle fut la ma principale source. Et vous tous, vous l’avez reconnue, Isadora Duncan qui plane dans ma frise à côté d’Apollon pensif, dont la lyre lui a dicté sa danse merveilleuse. Avec neuf visages divers que j’ai pu dérober à bien des visages de femmes, c’est toujours elle, Isadora, qui s’entrechoque dans ma frise avec Isadora dans la fureur de l’hymne ou dans l’abandon de l’offrande ».

Issue de la frise centrale déployée au cœur de la façade et de l’ensemble des Muses accourant vers Apollon, la Tête de Muse échevelée - à grandeur d’exécution - constitue un témoignage précieux de l’art monumental de Bourdelle, plein de force et de sève créatrice, parfait résumé du talent du sculpteur qui n’échappe pas au critique A. T’serstevens. Au sujet de l’ensemble monumental du nouveau théâtre celui-ci proclame :

« Cela n’est pas de la sculpture cérébrale, cela n’est ni de l’archaïsme, ni du roman, ni du gothique. C’est l’émotion d’un grand homme que la vie émeut, que la vie fait rire et pleurer, qui la recueille toute entière dans son cœur, qui la transpose, d’un vouloir viril, en lignes éternelles, qui l’enferme, de par un métier puissant, dans la glaise ou le marbre. C’est la vie qui danse, qui s’éplore, qui rit, qui souffre, qui s’affirme : voilà ce que disent ces allégories […] On retrouvera dans les Muses la même vie profuse et généreuse, la même impétuosité de mouvements, la même perfection dans l’expression des visages, le jeu des muscles. Les lignes brèves de la frise, l’envol en plis sommaires des draperies deviennent, à la distance le drapé de la comédie ancienne. [..] Pour Bourdelle, la sculpture de son théâtre est de la vie tirée de la chair même du mouvement : elle s’accorde avec lui, elle obéit aux lignes de l’architecture, elle a l’humilité douce et la grandeur héroïque d’une amante". (Comoedia, 21 décembre 1912).

Figure emblématique de la grande frise du théâtre des Champs-Elysées, La tête de la Muse échevelée est également un beau témoignage de l’amitié qui lie l’artiste au peintre Joseph Granié (1866-1915), « au substitut poète » comme il l’indique sur la dédicace au crayon qu’il applique sur cette grande épreuve en plâtre soigneusement retouchée offerte en 1913, au moment même ou le public parisien découvre le chef-d’œuvre de Bourdelle.   
     
BIBLIOGRAPHIE   
Marcel Pays, « Antoine Bourdelle », L’Art et les Artistes, nouvelle série, t. VI, n° 30, 1923, p. 205-242 --- Carol Marc Lavrillier, Michel Dufet, Bourdelle et la critique de son temps, Paris, 1979, p. 52-57 --- Ionel Jianou, Michel Duffet, Bourdelle, Paris, 1984

 

 
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